Des paysages en crise
En 2008, l’effondrement du prêt bancaire en Espagne entraîne l’éclatement de la bulle immobilière. Aujourd’hui, dans les environs de Madrid, des dizaines de milliers d’appartements invendus et de terrains à bâtir forment des nouvelles zones périurbaines en friche. Sous le titre «Residencial », la série réalisée en 2011-2012 désigne une ville qui n’existe pas en tant que telle mais que Jürgen Nefzger a créée à partir de différents lieux. Les paysages construits présentent des espaces vides, à peine finis, apparemment désertés, où la rigueur de l’ordonnancement face aux vastes étendues des plaines brouille notre perception de l’échelle, et où les habitants sont attendus et absents…
Entre 1997 et 2000 Jürgen Nefzger a photographié les zones pavillonnaires en construction autour du parc Eurodisney. Ces architectures étaient déjà les signes du développement effréné de l’activité en Ile-de-France repoussant toujours plus loin les limites du grand Paris. Aujourd’hui son intérêt se porte de nouveau sur le développement urbain mais dans un contexte économique très différent. Si, à l’époque, ces images venaient interroger une économie de croissance, elles révèlent maintenant au contraire des situations symptomatiques de défaillance du système financier.
Villaflores fait partie de ces innombrables terrains viabilisés puis laissés à l’abandon, où la vie reprend sous forme d’une re-végétalisation sauvages par des espèces pionnières. Jürgen Nefzger s’y est rendu en juillet 2014 et s’est concentré sur le repeuplement de ces paysages. Que voit-on à travers les herbes folles, les buissons, les fleurs et chardons qui poussent et disparaissent au grès des saisons sur des terres vouées à la brique ? Le traitement photographique, des tirages contacts à la chambre 20X25 dans un noir et blanc particulièrement contrasté et lumineux, et le choix de faire les images sous le soleil zénithal d’un mois de juillet, chercher à faire surgir comme une empreinte du paysage. Cette lumière argentée et percutante nous amène vers le véritable propos du travail, à savoir que la beauté peut ressurgir à n’importe quel moment dans des endroits qui frappant d’abord par leur dureté.
A côté, les images grand format et en couleur de Residencial, des immeubles invendus de villes nouvelles, enveloppées par une douce et chaude lumière hivernale, sont une autre approche qui pourtant arrive au même résultat que Nefzger exprime ainsi :
“J’ai beaucoup de sympathie pour ces paysages modelés par le système économique – surtout quand l’échec vent de s’y faire une belle place. Que seraient devenus ces terrains une fois construits et livrés ? Des non lieux habitables et échangeables comme regorgent nos pays. Alors que là on arrive à quelque chose d’extraordinaire : un poème moderne que personne n’a voulu écrire !”