“On sait, la photographie sous sa forme stabilisée
résultera de l’union entre les deux versants, optique et photo-chimique (…) Mais ce qui est à retenir, justement, c’est cette union qui permet à un référent de susciter sa propre trace et de l’écrire en restant intouché. Il y a quelque chose, sur le plan optique, d’un envoi, tandis qu’il y a quelque chose, sur le plan chimique, d’un dépôt.
C’est cet envoi-déposition qui crée l’image en la laissant venir”.
J. C. Bailly dans “L’instant et son ombre”
“Avec la pratique de la photographie au sténopé, une durée sensible est nécessaire pour enregistrer une trace. Cela peut être un laps de temps assez court, de l’ordre de quelques secondes, comme un temps de pose beaucoup plus long, de quelques jours voire quelques mois. Dans cet espace de temps, l’opérateur, le photographe, l’artiste peuvent laisser dériver leur pensée, passer du contre-champ au champ de l’image en train de se faire, s’y mouvoir, et pourtant, demeurer invisibles.
Lors des poses de longue durée le temps se trouve écrasé sur une unique surface sensible. Dans ces boîtes voyageuses, il disparaît au profit de la lumière, le rapport de l’espace au temps s’estompe et cède la place à un rapport espace-lumière. Les zones de transit apparaissent éclatées, superposées ; un nouveau lieu, fait des arrêts de la boîte dans son trajet, se dessine avec la lumière (le jour, le ciel, les fenêtres, les néons, les ampoules, les reflets).
Le point de vue aveugle qu’impose la boîte sténopé, sans viseur, est ici accentué par sa mise en mouvement en suivant un protocole, l’envoi postal, qui laisse advenir une image dont la plupart des gestes de fabrication nous échappent.
Un genre épistolaire où l’écriture est lumineuse, littéralement photographique, et même collective”.
Blanca Casas Brullet / Eric Lamouroux
Éric Lamouroux est photographe et enseignant. Il développe depuis quelques années un important corpus d’images et d’objets rassemblés sous le titre générique : Précis et documentaire de photographie naturelle. Des éléments de ce corpus furent premièrement présentés en 2006 à l’École des Beaux-Arts de Perpignan – “Capt(ur)er l’âme, Laboratoire opératif et documentaire”. Puis, plus récemment à la Galerie E. Manet, École des Beaux-Arts de Gennevilliers – “Le corps invisible”.
Les photographies au sténopé présentées dans le cadre de CHOICES PARIS 2016 font partie de ce projet. Elles sont le fruit d’une collaboration et d’une correspondance photographique avec Blanca Casas Brullet qui est représentée par la Galerie Françoise Paviot.