Plusieurs séries sont présentées au cours de cette exposition, qui est la première que la Galerie consacre à ce photographe, mais toutes ces séries ont des points communs. Ian Paterson n’a jamais appris la photographie et ses techniques. Peintre dessinateur de formation, il s’est tourné, pour faire de la photographie, vers des outils très simples, comme des appareils photographiques pour enfants, voire primitifs, comme le sténopé ou le photogramme.Puis il a tout de suite complété ses prises de vue par des interventions, des bricolages qui varient et se renouvellent d’une série à l’autre mais qui font que ses images sont toujours le résultat d’un double travail. Par contre il a aussi régulièrement privilégié le petit format, d’où le titre de cette exposition, qui lui permet ainsi de mettre la Tour Eiffel dans sa poche ou le Pont Neuf dans sa main.
« Presque toutes mes oeuvres photographiques ont été créées dans un simple moyen primitif. J’ai été formé en tant que peintre et historien de l’art. La photographie ne faisait pas partie de mon éducation et j’ai appris par l’expérience. J’ai longtemps travaillé au sténopé… J’ai été intrigué par le long terme d’exposition, le « faire » de l’image plutôt que le « prélèvement « d’une image et j’aime la douceur, le sentiment romantique qui a donné lieu. Soit la méthode m’a appris à voir, soit elle m’a révélé ce que j’ai déjà vu.
Plus récemment j’ai fait beaucoup de « photogrammes »… encore une fois, j’aime la simplicité, de franchise et de « vérité » de ces formes plus primitives de la photographie. Rien ne peut être plus direct que le contact entre l’objet et le papier photographique. Il est la véritable trace de quelque chose de tangible.
Le pissenlit de la série Pour Madeleine, représente pour moi beaucoup de choses, mais peut-être surtout comme une sorte de métaphore pour la vie-mort-vie. Il a aussi quelque chose à voir avec James Joyce et Samuel Beckett. Le titre, Pour Madeleine est pour Madeleine Millot-Durrenberger, la merveilleuse collectionneuse de la photographie à Strasbourg… Il est un hommage à son soutien constant et l’intérêt pour mon travail. »
Ian Paterson
Ian Paterson vu par Daniel Arasse
« Sans recourir aux technologies sophistiquées de la manipulation des images, jouant à un registre plus radical, celui des procédés photographiques classiques, les fausses simplicité de Paterson, visent à mettre en lumière sinon « l’imposture constitutive de l’image photographique » (H. Damisch) – ce n’est pas leur objet – du moins l’irrécusable présence d’un sujet dans cette « image-acte » qu’est toute photographie (P. Dubois). « Subjectives » ces photos le sont certainement. Mais elles le sont très précisément à faire travailler une donnée constitutive du processus photographique. En bricolant de la sorte, Pateron élabore de façon originale la temporalité propre à toute photographique qui veut que ce qui est maintenant visible là ait été présent devant l’appareil, temporairement coprésent au photographe. Ce sont la nature et les modalités de cette corpulence temporaire qui intéresse Paterson. C’est à leur propos qu’il travaille la photographie, ses moyens et ses fins. »
Daniel Arasse, Théâtres pour voir / Performing eyes Alain Laframboise / Ian Paterson, Services culturels de l’Ambassade du Canada, 1998
Ian Paterson vu par Michel Frizot
« Ce qui fait la substance de ces images, c’est leur lenteur à exister, l’inactivité apparente de la somnolence. Des obstacles à franchir, des transparences à convaincre. De telles photographies se constituent d’amas, d’amoncellements, de sourdes connivences de matière que la lumière doit dissiper…
La photographie élémentaire fait image du noir d’abord, et de l’impassible victoire de la lumière, de l’affleurement contenu d’une aube sacrificielle sur des miroitements d’eau, de feuillages, de gravier, de marbre. Dans le clair-obscur de la photographie s’imposent d’abord les ombres comme autant d’empreintes précaires, de regrets enfuis bientôt percés à jour. »
Michel Frizot, Le jardin du Luxembourg, exposition au Musée Carnavalet, Paris Musées, 1989-1990