Photographie, sculpture, dessin
A l’occasion de l’exposition monographique que lui consacre le Musée d’art moderne du Havre, la Galerie présente une série de nouveaux travaux : photographies, dessins, sculptures, appartenant majoritairement à une série intitulée « Terre de neige ». Métaphore de vents, de bourrasques, de rafales tumultueuses, elles transmettent la force d’un souffle fictif mais tout aussi réel. Elles portent également les traces dynamiques du geste du peintre nous faisant osciller entre l’échelle d’un immense espace ouvert et celle plus intime du corps en action. Jocelyne Alloucherie utilise le terme générique d’« images », ne sachant plus comment nommer ces oeuvres qui participent à la fois de la photographie, du dessin, tout autant que de la peinture.
« L’image photographique occupe une place prépondérante dans mon oeuvre. Toutefois, elle y ouvre sur une autre interrogation, celle d’un glissement de la photographie vers l’image ; c’est-à-dire vers cet instant où une photographie acquiert un statut d’image véritable ; ce moment où elle devient cette double réalité qui à la fois se révèle d’un prélèvement du réel et révèle ce qui est enfoui dans l’intériorité de l’être. Ce qui différencie l’image véritable d’une simple photographie qui ne serait qu’un duplicata banal d’un fragment de réel, c’est cette temporalité dilatée, cette dimension mythique, ce par quoi elle s’inscrit profondément dans l’imaginaire de l’individu. Je cherche à atteindre cette dimension par un traitement singulier du paysage, qu’il soit urbain, sauvage ou artificiellement construit. Toutefois, ce n’est pas du paysage comme genre dont il est question dans mon travail ; c’est avant tout du lieu compris comme une frontière ouverte et protectrice nous détachant du territoire, et du paysage, saisi comme reflet du rapport de l’individu au monde.
Dans ces « images », on notera un dosage de généralité autant que de singularité, qui en marque la charge indicielle. Je ne souhaite pas rendre la photographie abstraite mais lui attribuer des caractères à la fois étranges et familiers qui en ouvrent la lecture à un degré d’interprétation plus universel. La mise en exposition théâtrale – telle situation particulière d’une image dans un lieu donné ou sa juxtaposition à des volumes qui la recardent – appartient à cette intention d’accentuer le niveau d’intensité de l’image en marquant avec force ce passage entre un monde concret et cet autre, impalpable, de l’imaginaire.
Une telle démarche implique une exploration ouverte des techniques et média utilisés. Même si mon oeuvre est conceptuellement balisée, cela n’exclut pas qu’il faille la concrétiser et cette exigence nécessite une connaissance des matières et des techniques. J’ai associé un savoir-faire traditionnel, dessin, photographie et même la performance, à des techniques de pointe d’enregistrement et d’impression de l’image. Sur un fond nuageux, imprimé en très grandes dimensions et teinté à l’impression, je souffle littéralement un sable d’origine naturelle. Il en résulte des dessins précaires qui restent empreints du geste d’un corps mobile. Les images qui s’ensuivent possèdent une élasticité étonnante et peuvent donc être imprimées en de très grandes dimensions. Leur matière constitue un véritable monument de grains divers : le grain photographique, le grain numérique et le grain de sable qui s’entremêlent pour rendre ces paysages fictifs comme une épaisseur poussiéreuse infinie dessinée par le vent. »
Jocelyne Alloucherie